Le texte est en bas de la page
LA ROUE REINVENTEE
Après quelques changements au cours des siècles, la roue, inventée il y a plus de 5000 ans, ne commença vraiment à évoluer qu'aux 19ème et 20ème siècles. Les routes, longtemps peu carrossables, et le développement de la traction mécanique stimulèrent les inventeurs dont les idées furent quelquefois farfelues.
1 - Les roues métalliques à ressort :
En 1902, Taskers construisit une machine à vapeur à quatre roues motrices et directrices, machine déjà peu courante à l'époque, le Diplock (photo 1). En plus, il équipa ses roues de plots articulés ‘Pedrial' qui devaient permettre une meilleure répartition de la masse de l'engin sur le sol et un meilleur franchissement. En fait, l'engin devait rouler très lentement pour ne pas zigzaguer.
On inventa par la suite, en parallèle avec les pneumatiques qui prendront le dessus dans les années 30, les roues à ressorts : on put voir entre-autres la roue Fowler (photo 2) pour tracteur à vapeur avec un système de ressort et une jante en acier déformable, qui ne donna pas de résultats satisfaisants.
Il y eut de nombreux prototypes de roues à ressorts (photos 3 à 5).
L'idée des roues souples, cette fois en titane, fut reprise dans les années 60 sur certains prototypes de véhicules lunaires sophistiqués, le caoutchouc devenant cassant aux basses températures et l'air rare. Ces sont : la Grumann MOLAB (photo 6), le Grumman LRV (photo 7), la Bendix (photo 8), le Rover 4x4 des Misions Apollo 15-16 et 17 (photo 9) avec des roues à treillis métallique, de même celle d'un robot Russe de VNII Transmash (photo 10).
De nos jours et après une longue éclipse, la roue métallique revient avec Michelin et sa Tweel (photo 11).
2 - Les roues classiques à pneus pleins étroits et pneus gonflables :
Les pneus à bandage plein assez étroits étaient très utilisés avant les années 30 (photo 12).
Des crampons repliables ou escamotables (photo 13) ou des roues cages aidaient à la traction.
Les roues à bandage plein longtemps abandonnées reviennent sur le marché depuis environ une quinzaine d'années sur les engins de chantier. La roue ‘Rubbertrax' est une représentante de cette catégorie (photo 14).
Les pneus s'imposèrent dans les années 30. Ceux-ci, de marque Firestone, les plus gros du monde sont montés ici sur le chargeur Letourneau L-2350 (photo 15).
3 - Les roues larges :
En l'absence de chenilles en 1900, Best Manufaturing Company produisit ce tracteur lourd à vapeur (photo 16) à deux roues arrière motrices pour opérer dans les tourbes de la Vallée de Sacramento : la roue basique 2,8 m de diamètre était entourée de barres de bois de 4,7 m de large. On ne recherchait pas alors la fiabilité ni une très bonne traction. Dans le même temps, on inventait les barrettes transversales droites, en diagonale ou en chevron.
Les roues larges connurent une version moderne dans les années 50, connue sous le nom de Rolligons (photo 17) (voir article précédent) construit par William Albee de Carmel, Californie. De nos jours, les Catco, énormes camions de marque Bechtel (photos 18) et équipés de rolligons pour préserver les sols sillonnent la North Slope en Alaska pour le compte de l'industrie pétrolière. Les Terra-tires en sont les corollaires moins larges et plus résistants de chez Goodyear, le premier à les fabriquer.
Les Russes ont essayé les pneus rouleaux sur divers modèles à partir de 1958 (photo 19), essais non suivis de série.
Les pneus ‘Lypsoïd' (photo 20) inventés par Nicolas Straussler à la même époque étaient également très larges mais sans flancs. En Russie, il existe toujours les mêmes genres de pneus (photo 21).
Les roues en caisson sont aussi utilisées (photos 22 à 28)
4 - Le Rotoped de Julius Makerle :
Le Rotoped (photos 29 et 30) dont le prototype fut construit en 1964 par l'Institut de Recherche Automobile de Tchéchoslovaquie, comporte 4 roues. Elles étaient munies de ballons qui se gonflaient et se dégonflaient grâce à un système de valves sur un circuit à air comprimé : un ballon se dégonflait devant la roue pendant que l'autre se gonflait à l'arrière ce qui permettait au véhicule d'avancer par gravité. Comme il n'y avait pas d'axe moteur, les roues ne pouvaient pas patiner.
L'absence d'arbres de transmission permettait à chaque roue de s'orienter sur 180° et le véhicule pouvait se déplacer perpendiculairement à sa trajectoire initiale ou en crabe. La vitesse de pointe était 20 km/h et la pente maxima franchie de 20°. Une direction assistée complétait l'ensemble.
L'inventeur, Julius Mackerle, était directeur du service motorisation chez Tatra jusqu'en 1958 et devint ensuite directeur de l'Institut cité plus haut. Il pensait à l'époque utiliser son système pour la locomotion sur la lune ou l'attraction plus faible que sur terre réduit l'adhérence de la une roue classique basée sur la friction. L'absence d'atmosphère sur la Lune réduirait la pression de gonflage du système donc la puissance nécessaire et sa masse.
5 - Les roues elliptiques et autres :
Un tracteur chenillé pour neige M7 Allis Chalmers fut transformé avec des roues en forme d'ellipse (photo 31) et essayé en 1946 : les roues ne devaient plus patiner en tournant sur elle-même mais l'une devait s'enfoncer et servir d'ancrage tandis que l'autre, à plat, devait supporter la masse du véhicule. La force de traction devait être doublée. Un balancier entre les 2 roues calées à 90° permettait de maintenir l'horizontalité de l'ensemble. Néanmoins, ce prototype ne donna pas satisfaction dans la boue, vibrait beaucoup sur route et fut abandonné. La photo 31, prise en 1950, reparut récemment après la mise en ligne des archives photos du magazine LIFE.
John F. Kopczynski, diplomé du Rochester Institute of Technology, prit de nombreux brevets sur la roue elliptique à partir de 1940 (ils sont disponibles sur le site Américain des brevets). L'idée du prototype du véhicule M7 modifié venait bien de lui. Il continua néanmoins ses recherches dans ce domaine.
Les tests sur modèle réduit, menés en 1949 dans la boue montraient d'après lui que ces roues elliptiques ne glissaient pas et ne tournaient pas sur elles-mêmes. Le modèle roulait à 40 km/h sans vibrations.
J. Kopczynski prit 80 brevets au cours de son existence et pas seulement des roues.
Il devint président d'Ascension Industries à North Tonawanda, New-York, une importante société de travail du métal en même temps que maire de cette commune. Il décéda en 2005
Osmund Anthony Goulden de Sunbury-on-Thames, Middlesex, breveta lui aussi la roue ovale en 1961 après des essais sur modèle réduit également (photo 32) datant de 1955. Ce modèle en ‘Meccano' (photo 33) a été vu en 1998.
Les inventions théoriques étant sans limites, des brevets à roues carrées, censée elles aussi augmenter la traction, firent leur apparition (photos 34 et 35). On ne connaît aucune réalisation pratique sauf une bicyclette (photo 36) avec roue carrée et route spéciale.
Une autre idée brevetée par J. Kopczynsky en 1987 consistait à remplacer les roues circulaires d'un véhicule par des roues en forme de triangle curviligne (photo 37) avec les mêmes avantages théoriques que la roue ovale. La partie supérieure entrainait les roues triangulaires par friction. Le véhicule devait rester horizontal grâce aux propriétés du triangle curviligne.
De même, l'invention des demi-roues (photos 38 et 39) apparut dans plusieurs brevets. Ces demi-roues devaient permettre de rouler horizontal sur sol plat et de mieux ‘accrocher' en terrains difficiles. Elles rejoignaient un peu les ‘Whegs' et ‘RHex' actuels (voir plus loin chapitre 9) dont les jantes de roues discontinues ou absentes favorisent les progressions difficiles.
Le modèle Russe avec roues ‘à pattes' (photo 40) relevait de la même idée de jantes discontinues.
6 - Les roues hémisphériques et le ‘Rhino' ou ‘Polywog'.
En 1943, la publication ‘Popular Science' de Septembre 1943 décrivit un véhicule amphibie, ‘Le Roller' avec de deux grandes roues hémisphériques, capable d'aller n'importe où et de remplacer la chenille.
Ce n'est qu'en 1954 qu'un prototype (photos 41 à 43) fût commandé par Elie P. Aghnides à la Compagnie Marmon-Herrington d'Indianapolis, Indiana. Les ingénieurs de Marmon -Herrington allongèrent le véhicule par rapport à la demande initiale d'E. P. Aghnides pour des questions de stabilité. Les deux grandes ½ sphères avant, montées en V, comportaient des barrettes en caoutchouc pour l'adhérence. Le centre de gravité très bas et la forme des roues devaient lui permettre de ne pas se renverser.
Les petites roues arrière également motrices dirigeaient l'engin en tournant par pivot. Un hydrojet pivotant sur 360° monté entre ces roues lui permettait de se diriger facilement dans l'eau. Il pesait 4,5 T et son moteur Ford 6 cylindres de 130 ch autorisait théoriquement 75 km/h. Son comportement en terrains difficiles, la boue en particulier, s'avéra excellent malgré l'absence de suspensions.
Une version plus petite fut également construite par Marmon-Herrington.
Mais qui était ce M. Elie P. Aghnides, inventeur et propriétaire du ‘Rhino' si original ?
Cet ingénieur d'origine Grecque vivant à New-York inventa, comme le révélait le magazine Life du 5 Août 1946, un nouveau mécanisme pour mélanger de l'air à l'eau dans les jets d'eau domestiques comme les douches et les éviers et briser les jets. Ceci lui permit de gagner suffisamment d'argent pour construire les ‘Rhino', le gros et le petit. Il provoqua et eut à subir plusieurs actions en justice concernant ses brevets sur les mélangeurs d'eau. Il attaqua en justice en 1972 la Compagnie Marmon-Herrington pour non respect et non information de l'intéressé au sujet d'un contrat de construction d'un véhicule révolutionnaire muni de 2 roues hémisphériques alignées, le ‘Cyclope'. Il gagna le procès ce qui se traduisit pour lui par la récupération de 120.505,40 $. Dommage que le ‘Cyclope' ne fût jamais construit ! Elie P. Aghnides décéda à New-York au début des années 80.
On peut voir les sites :
http://images.google.com/images?q=rhino+vehicle&q=source%3Alife
http://www.itnsource.com/shotlist//BHC_FoxMovietone/2009/11/03/X03110901/,
et se demander si ce prototype ne redevient pas un peu à la mode sur Internet, du moins pour les spécialistes.
Que sont devenus les deux prototypes ?
Les deux versions du Rhino stationnaient chez Marmon-Herrinton à Indianapolis au début des années 60 mais la compagnie déménagea à Knoxville dans le Tennessee. Le plus ‘petit' fut alors détruit alors que le ‘Rhino' fut acheté par Eugene Pock and Sons Inc de Zionville, Indiana, qui le préserva et le présenta ensuite tous les ans le second week-end d'Août au Mid America Threshing and Antique Show à Tipton, Indiana. Néanmoins aucune photo de ces shows avec le Rhino ne nous est parvenue et aucune publication ou communication nouvelles n'était apparue depuis une vingtaine d'années. De là à dire qu'il avait été détruit, il n'y avait qu'un pas.
Après de nombreuses recherches, emails et communications téléphoniques sans succès, et même le contact de Don Shew, historien officiel de Marmon-Herrington, l'auteur eut récemment confirmation que l'engin était tout simplement à Lebanon, Indiana chez Eugene Pock Jr qui le restaure. Il ressortira certainement un jour.
Il eut été dommage de ne plus pouvoir admirer cet étrange spécimen du rêve américain des années 50 diffusé dans la presse et les actualités cinématographiques (voir le site des archives Gaumont) et capable alors de faire rêver beaucoup de jeunes dans de nombreux pays. Aujourd'hui, devenus âgés, ils peuvent grâce à Internet retrouver la trace du fabuleux engin.
7 - Les roues sphériques :
Dans ce paragraphe, fini les véhicules à moteur mais vive la brouette : sa roue sphérique basse pression (photo 44) lui permet de rouler en douceur sur les bosses, un peu comme le Rolligon. Une autre roue en forme de ruban déformable, vue dans le ‘Livre des Inventions' permet la même chose.
8 - Les roues en étoile et le ‘Terrastar'
L'idée est ancienne et les caddies à roues en étoile montent toujours les marches d'escalier. Toujours est-il que Robert W. Forsyth et John P. Forsyth de Lockheed Service Aircraft Company de Sunnyvale, Californie, construisirent en 1963 le Terrastar (photo 45), véhicule qui montait les marchent mais se comportait mieux dans la boue que sur terrains rocailleux. L'engin était amphibie où, grâce à ses grand rotors, il allait bon train dans l'eau (12 km/h) mais son terrain de prédilection était la boue profonde où il excellait. Sur route les grands rotors étaient fixes et les 12 roues dont 8 en contact avec le sol, tournaient sur elles-mêmes et propulsaient le véhicule à 55 km/h. Sa direction se faisait par blocage. Hélas, une certaine complexité de l'engin ont sans doute joué en sa défaveur ainsi qu'une charge utile faible par rapport à sa masse : 1120 kg à vide et 1635 kg à pleine charge.
Le Terrastar est aujourd'hui entreposé à l'air libre depuis plusieurs décennies à Waterways Experiment Station de Vicksburg, Mississipi.
Dan Jeffries, carrossier de Hollywood, reprit le même concept en créant le Landmaster, une des vedettes du film ‘Damnation Alley' en 1974. Il apparut dans des séries télévisées avant d'être complètement restauré en 2007 (photo 46). Le véhicule se dirige par articulation (photo 47), contrairement au Terrastar.
On a pu voir au salon de Barcelonne en 1972 un petit engin similaire (photo 48) et recenser de nombreux brevets sur le principe de la roue en étoile (photo 49). Preuve que le principe est connu, des modèles en ‘Meccano' ont existé (photo 50).
9 - Robots Whegs et RHex
Que veut dire Whegs ? Tout simplement ‘Wheels' et ‘Legs', autrement dit ‘Roues' et ‘Jambes'.
Les robots Whegs (photo 51), très actuels, de l'Université de Case Western Reserve de Cleveland, Ohio, utilise des jambes qui tournent comme des roues. Le résultat est spectaculaire : rien ne semble pouvoir arrêter ces petits robots dont plusieurs versions existent, les dernières ayant des débuts de jantes reliées aux bras (photo 52).
Le Wheg Impass (photos 53 et 54) comporte en plus un système de rayons coulissants qui lui permettent encore plus de possibilités.
L'Université de Brème construit aussi des Whegs.
Le RHex (photo 55), conçu sur la même idée par cinq Universtés Américaines célèbres dont celle de Cargenie Mellon, Pittsburgh, Pennsylvanie, est maintenant commercialisé par Boston Dynamics, Waltham, Massachuchetts. Les rochers ne lui font pas peur et s'il se retourne, il peut se remettre sur pattes et continuer rapidement sa route. Là aussi, plusieurs versions existent avec des bras différents ou même des versions amphibies où les bras font office de nageoires.
Janvier 2010